Beaujolais
Les PSE au service de l’environnement
Les paiements pour services environnementaux (PSE) ont été mis en place en 2021 pour accompagner les agriculteurs dans leur transition agroécologique. Porté par la communauté de communes Saône Beaujolais (CCSB) et le syndicat mixte des rivières du Beaujolais (SMRB), le dispositif est développé dans une quarantaine d’exploitations.
En 2020, l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse lance un appel à projets pour les PSE. La CCSB et le SMRB y ont répondu en mai 2021. « On a voulu tester ce projet pour plusieurs filières, des polycultures éleveurs, des grandes cultures et des viticulteurs. On a 41 exploitants engagés, dont la moitié en viticulture », précise Alice Patissier, chargée du dossier pour le SMRB. Le dispositif finance et encourage les pratiques agricoles en faveur de l’environnement. Haies, mares, bandes enherbées ou réduction des intrants, les axes d’amélioration sont divers. Quatre piliers le structurent : les infrastructures agroenvironnementales (IAE), la diminution d'intrants et de l'indicateur de fréquence de traitements (IFT), une augmentation de la couverture du sol avec l'enherbement, et enfin, la réduction de l'apport d'azote minéral pour de l'organique. « Chaque exploitant est suivi par un conseiller pendant la durée du dispositif, à savoir cinq ans. Chaque année, un audit est conduit sur l’exploitation », détaille la chargée de missions au SMRB.
Au commencement, une construction accompagnée
Si le dispositif est novateur, c’est grâce à des modalités de fonctionnement qui facilitent les démarches administratives. « Il y a un budget prévisionnel estimé au démarrage qui est construit grâce à un audit initial. C’est à ce moment qu’on va savoir jusqu’où les agriculteurs peuvent aller dans les services environnementaux comme la plantation de haies, la réduction d’intrants et d’herbicides, l’augmentation de la couverture des sols… », explique Léa Di Fonzo, en charge du dossier pour la CCSB. Le paiement se fait aux services rendus, ce qui réduit les risques de devoir rembourser l’argent touché.
Pour mettre en place ce dispositif, la CCSB et le SMRB ont mis sur pied des seuils pour chaque indicateur, en concertation avec les acteurs agricoles. « Par exemple pour des IAE, il y a un pourcentage minimal et maximal. Pour plus de 5 % d’IAE, on rémunère et ça va jusqu’à 15 % », explique Alice Patissier. Le budget est donc prévu en fonction des réalisations de l’exploitation.
Le Label Haies
Au terme des cinq années qui encadrent le dispositif, chaque exploitant doit se faire labelliser au niveau 1 du Label Haies. « Les exploitants devront entrer dans le label de manière collective. L’idée, c’est que tous les participants aient atteint le niveau requis d’entretien des haies. Sachant qu’on met en moyenne dix ans pour atteindre le niveau 3, on travaille dans un premier temps essentiellement sur des bonnes pratiques d’entretien », explique la cheffe de projet à la CCSB. Ils ne seront pas seuls pour mener à bien cette mission. « On travaille sur ce projet avec l’association Arthropologia qui met en place des animations et des temps d’échanges pour aider chacun à progresser sur l’entretien », ajoute-t-elle. L’objectif de ce label est de miser sur du long terme avec la création de bois de bocage durable. « On est là pour accompagner chaque exploitant qui rencontre des points de blocage et proposer des solutions. Il peut parfois y avoir des manques de matériel et plusieurs solutions sont possibles comme la mise en place d’une CUMA ou l’investissement dans certains outils », complète Alice Patissier.
Faire perdurer les pratiques
L’objectif de ce dispositif de PSE va au-delà d’encourager des pratiques agroécologiques pendant cinq ans. « C’est un levier pour emmener les exploitants vers un changement de pratiques, confie Léa Di Fonzo. L’objectif est qu’une fois la durée des PSE terminée, les exploitants engagés continuent les démarches entreprises. »
Charlotte Favarel
Poursuivre la démarche
Loïc Condemine est vigneron à Quincié-en-Beaujolais, au domaine des Chevaliers. Avec quelques vignes en propriété, il est en métayage sur 12 ha. Il fait partie du dispositif de paiements pour services environnementaux (PSE) et nous raconte son expérience.
Avant de s’engager pour les PSE, Loïc Condemine était accompagné par les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) il y a cinq ans. « Les PSE et les MAEC ne sont pas tout à fait similaires mais les PSE s’inscrivent dans la continuité. Le plus avec ce dispositif, c’est que nous n’avons pas de pénalités, qui sont un gros problème dans beaucoup d’aides. Si on subit des aléas climatiques, on n’aura pas d’amende », observe le vigneron.
Des objectifs diversifiés
Dès son engagement dans le dispositif, Loïc Condemine a reçu la visite d’Alice Patissier du SMRB et d’une personne d’Arthropologia pour l’audit initial. « On a regardé ce qui existait et le potentiel qu’il y avait sur l’exploitation. J’ai maintenant plusieurs objectifs, que ce soit pour l’implantation de haies, la baisse d’utilisation de produits phytosanitaires ou l’utilisation de couverts végétaux. » Pour la période 2021-2022, Loïc s’était donné comme objectif d’implanter une haie de 100 m linéaire, mais faute de disponibilité en pépinière, il ne la plantera que cette semaine. « J’ai commandé des plants que je vais protéger au printemps avec du paillage aux pieds. Ce sont essentiellement des essences locales qui ne craignent pas le sec. »
Concernant les couverts végétaux, le vigneron avait déjà pris de l’avance. « Quand on restructure, on peut plus facilement commencer un couvert. Il est plus simple de diminuer les indicateurs de fréquence de traitements (IFT). » Il avait commencé le travail du sol pour les couvertures mais doit composer avec les vignes qui ne sont pas encore restructurées. « Tous les trois ans, j’arrache des vignes pour pouvoir les espacer car sinon, ça fait trop de concurrence entre les ceps et l’enherbement. »
Une continuité accompagnée
Si l’objectif de Loïc Condemine est d’arriver à 300 m de haie linéaire sur cinq ans, il ne s’interdit pas de rêver plus grand. « Si je peux en faire plus, je le ferai. Je ne voulais pas mettre la barre trop haute au départ. » Ce qu’il apprécie dans la démarche, c’est d’être accompagné : « nous sommes aiguillés pour ne pas se tromper. Une fois plantés, les ceps durent une génération. On reçoit des conseils sur les IFT et une aide pour l’utilisation des produits de biocontrôle », assure le vigneron.
Loïc Condemine observe déjà des résultats grâce à l’enherbement. « Ici, les terrains sont sablonneux et ravinent assez facilement. Grâce au couvert, on remarque moins d’érosion. Sur les vignes restructurées, on n’a pas ce phénomène », se réjouit-il. Il compte bien poursuivre ces pratiques après la période prévue par le dispositif.
C.F.
Une écologie positive
Maire de Jullié et vice-président de la CCSB en charge de l’agriculture, Jérémy Thien suit également le dossier PSE. « C’est une philosophie que j’ai trouvé intéressante, je plaide pour une écologie positive et non punitive. On propose aux agriculteurs de les payer pour mener des actions agroenvironnementales et ça change la donne. Le dispositif est basé sur un dialogue et un engagement volontaire. »
Au-delà de ce nouveau mode de conduite qui récompense plutôt que sanctionne, c’est aussi un maillage territorial qui se crée. « C’est important que chacun ne reste pas dans son coin, l’idée est aussi d’animer le territoire pour que les gens communiquent et échangent », observe l’élu. Il se confie également sur sa propre expérience avec la certification HVE, « une fois qu’on y est, on ne revient pas en arrière. Et je trouve que ça a un effet d’entrainement sur nos voisins par exemple, qui se rendent compte que ce n’est pas si difficile qu’ils le pensaient. Une large majorité des agriculteurs sont engagés dans une pratique durable », conclut-il.