Jeudi 4 avril, une dizaine d'agriculteurs a assisté à une présentation du projet Kolos sur la fertilisation à l'urine humaine à Quincieux. Gilbert Bouricand a testé cinq itinéraires d'apports de lisain sur ses parcelles, visant à évaluer les effets agronomiques et environnementaux de cette méthode.

Fertilisation à l’urine humaine
Gilbert Bouricand, agriculteur et Florent Brun, coordonnateur du projet Kolos montrent les itinéraires comparés dans la parcelle. CF/IAR

Jeudi 4 avril a eu lieu un retour d’expérience d’une fertilisation à l’urine humaine sur du maïs grain à Quincieux. Direction la parcelle de Gilbert Bouricand, agriculteur chez qui l’expérimentation du projet Kolos a pris forme. « Ce projet, monté entre la Métropole de Lyon, l’école des Ponts de Paris et l’Insa de Toulouse a démarré début 2023 et dure trois ans. Il vise à faire état des effets agronomiques et environnementaux d’une fertilisation au lisain (urine humaine). Trois axes principaux le caractérisent : l’émergence de la filière collecte, la démonstration agricole d’utilisation du lisain et l’élaboration de scénarios sur les communes de Quincieux et Lissieu pour collecter la matière fécale et l’urine des habitants », présente Florent Brun, ingénieur de recherche et coordonnateur du projet Kolos. Une dizaine d’agriculteurs étaient présents en plus des techniciens et acteurs de ce projet.

Cinq itinéraires comparés

Sur la parcelle du céréalier qui cultive 92 ha, dont 8 en plantes aromatiques, plusieurs itinéraires comparés d’apports de lisain se remarquent aux affichettes rouges. « On a fait cinq zones avec des apports différents : dans la première, on a apporté avec la tonne à lisier 76 unités d’azote en lisain, un mois avant le semis. Pour la deuxième, un mois après on a ajouté à cet apport 30 unités d’azote avec le pulvérisateur pour observer la volatilité. Dans la troisième partie, c’est le témoin zéro, nous n’avons rien apporté. Dans la quatrième zone, on repart du témoin zéro mais on a apporté 135 unités d’azote. La cinquième zone représente le reste de la parcelle conduit avec 32 unités d’azote. » Pour Gilbert Bouricand, recourir au lisain « fait économiser de l’engrais mais est aussi chronophage ».

L’objectif principal de l’évaluation était de déterminer les difficultés associées aux apports de lisain sur les parcelles agricoles. Deux apports ont été réalisés : un avec une buse palette à raison de 9,5 m³ par tonne et un autre au pulvérisateur avec 1,1 m³. L'utilisation de la tonne à lisier permet d’apporter un gros volume, mais présente des risques de tassement du sol et nécessite des mesures pour limiter la volatilisation de l’azote, comme l’utilisation d’un pendillard, l’hersage suivant l’épandage, ou un enfouisseur. Le remplissage de la tonne pose des problèmes en raison de raccords non standard pour pomper dans des cuves IBC avec ouverture de 125 mm de diamètre, ainsi qu’un risque de moussage. L’accès aux parcelles au printemps est également compliqué en fonction du ressuyage. L’utilisation du pulvérisateur est déconseillée en raison du petit volume apporté, de la volatilisation excessive, des nombreux passages nécessaires pour régler la machine et du temps conséquent que cela requiert. Concernant le stockage, il est essentiel de disposer d’un emplacement proche des parcelles à fertiliser, avec un volume suffisant pour justifier l’investissement en temps. Le gisement doit être disponible entre février et mai, nécessitant une cuve de 200 m³ pour environ 0,3 à 1 t d’azote et une logistique de remplissage à créer.

Montrer, échanger et se questionner

Pour se fournir en lisain, les acteurs de l’expérimentation ont fait appel à la société TLB du Rhône, qui loue des toilettes sèches pour différents événements. « Les urines proviennent principalement de festivals, précise Florent Brun. Le lisain est produit grâce au stockage en cuve IBV d’urine humaine pendant quatre mois à température ambiante. La couleur change avec ce stockage, le pH se modifie et détruit les gènes pathogènes. » L’avantage du lisain, « c’est sa richesse en nutriment et en NPK ». Cette expérimentation n’est pas forcément « à visée agronomique mais démonstrative. On essaie quelque chose et on observe les questions que cela soulève. À travers des journées comme aujourd’hui, on repart avec des questions comme le temps passé, le coût, l’impact sur l’environnement, la logistique, etc. », remarque Florent Brun. Les agriculteurs présents disent « attendre les résultats. Logistiquement, c’est lourd et ça se fait dans des périodes où nous sommes déjà bien occupés ». La question de la réglementation a été soulevée par Didier Blanc : « je suis éleveur bovin lait et dans la charte avec ma coopérative laitière, je ne peux pas épandre des boues de station d’épuration. Mais est-ce que l’urine est autorisée ? ». Sur cette question, Florent Brun explique « la présence d’un vide réglementaire, mais les instances nationales travaillent pour encadrer cette utilisation à l’avenir ».

L’utilisation du lisain est encore en phase d’expérimentation, « la filière d’approvisionnement n’existe pas encore », remarque Florent Brun. D’autres expérimentations sont en cours en Île-de-France. Affaire à suivre…

Charlotte Favarel