Vignes terrasses
Alternative à la pente : les terrasses

Charlotte Favarel
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Le 17 juillet dernier, Agribio Rhône et Loire et le syndicat mixte des rivières du Beaujolais ont donné rendez-vous à une dizaine d’exploitants à Beaujeu et Vauxrenard pour découvrir les vignes en terrasses, leurs avantages, leurs inconvénients et leur mode de conduite. 

Alternative à la pente : les terrasses
Sur la parcelle des Bulliat, les rangs longs de 200 m permettent de diminuer les manœuvres et de gagner du temps. ©CF/IAR

Si 800 ha de vignes sont à plus de 30 % de pente dans le vignoble, le syndicat mixte des rivières du Beaujolais et Agribio Rhône et Loire ont organisé le 17 juillet une après-midi découverte, pour en savoir plus sur le mode de conduite en terrasse. « Avec les vignes en terrasses, on obtient un meilleur stock de matière organique, les engrais sont plus efficaces et la ressource en eau mieux préservée. Ce ne sont pas moins de 800 ha à plus de 30 % qui sont en pente dans le vignoble. Et une portion de plus de 25 % qui est majoritairement du granit, donc qui représente un risque d’érosion fort », prévient Brieg Clodoré animateur viticulture à Agribio Rhône et Loire et ingénieur du réseau Dephy. Pour créer des vignes en terrasse, une seule condition requise : ne pas apporter de terre exogène et bien-sûr, continuer à respecter le cahier des charges de son appellation.

Nouvelle plantation en terrasses

C’est à Beaujeu qu’a commencé l’après-midi, sur les parcelles du domaine Bulliat avec Régis, le fils qui a rejoint l’exploitation en 2020 et Daniel, le père qu’on ne présente plus. Faisant partie du réseau Dephy, une démarche où une dizaine de vignerons et vigneronnes sont engagés pour apporter moins d’intrants, avec un volet carbone et phytothérapie, le domaine a planté 0,9 ha en terrasses en 2017. « On essaie d’aller vers le bio et l’agroécologique », présente Régis, et pour cause, ce ne sont pas moins de 8 ha qui seront labellisés bio dès cette année. Adoptant une démarche progressive, la réflexion s’est faite de restructurer une parcelle en pente de 40 % maximum. « On a supprimé les herbicides la première année, on va s’inspirer de cette parcelle pour dupliquer ça. » Avec un écartement de 2,5 m x 0,80 m et 5000 pieds / ha, « l’enjeu est de garder de l’eau dans les parcelles ». Pour ce faire, des travaux de réaménagement ont donné naissance aux terrasses. « On a préparé le sol, il faut compter 15 000 € de surcoût à la plantation et deux ans d’entretien. Ce sont des vieilles vignes avec un talus, les rangs font 200 m de long pour faciliter la mécanisation. » Et les efforts portent leurs fruits : « l’avantage des terrasses, c’est qu’avec l’herbe, on garde l’eau, se réjouissent les Bulliat. On avait des glissements de terrain en hiver et depuis, grâce à l’enherbement, nous n’avons vu aucune eau dans les fossés ». Avec un écartement de 2,5 m, le tracteur vigneron peut passer et des dégagements pour opérer un demi-tour ont été prévus. Régis et Daniel utilisent une herse rotative pour remettre le rang à plat et sèment des engrais verts pour l’inter-rang.

La grosse difficulté reste de travailler sous le pied : certains ont subi les impacts du rotofil. Ce système représente également une charge de travail supplémentaire : « comme les interceps ne sont pas parfaits, on complémente avec la pioche ». Avec cette parcelle expérimentale qu’ils ont en fermage, les Bulliat produisent une cuvée parcellaire valorisée. Pour maximiser la réussite de la plantation, Daniel Bulliat conseille de « stabiliser les terrasses et de ne pas planter la première année ».

Restructurer des vignes étroites 

À quelques kilomètres de là, à Vauxrenard le père et le fils Canard introduisent leurs parcelles. Ici, le mode opératoire est différent. La pente et la lutte contre l’érosion les ont menés à s’adapter avec leur 15 ha, dont la moitié est en pente. Sur la parcelle, de bientôt 20 ans d’âge, Vincent retrace l’histoire de l’exploitation : « mon père a acheté des vignes et tout était à renouveler. Il a créé les terrasses à la pioche. Tout ce qu’on replante est en bio depuis 2017. On met des couverts pour l’automne qu’on essaie de semer en août. Cette parcelle, c’est un peu notre parcelle modèle pour ce qu’on replante ailleurs. On a à peu près 4 à 5 ha plantés dans cette modalité. »

À Vauxrenard, les Canard arrivent à avoir une rendement de 45 hl/ha grâce à leur densité de plantation. ©CF/IAR

S’ils sèment avant les vendanges, c’est pour avoir un volume important à l’automne. Pour travailler le sol, les Canard ont opté pour une fraise rotative et une charrue. En mai, ils ont passé la fraise et deux coups de griffes aux inter-rangs. Avec un écartement de 1,55 m x 0,80 m et 7500 pieds / ha, ils ont dû créer le terrassement : « on aplanit toute l’année et à l’automne on donne un coup de fraise pour pousser la terre avec le devers. On laisse les pieds un peu plus hauts pour pas enterrer avant de créer la terrasse ».

« L’inconvénient pour cette parcelle, c’est que les pieds ne sont pas assez montés », avoue Marc Canard. On aime mieux laisser plus d’herbe, cette année on a eu 200 mm de pluie en un mois et demi. Les talus sont séchants et les herbes ne deviennent pas trop grosses. On a fauché le talus une fois en avril, on a eu de la piloselle sous le cep. » Sous le cep, c’est la lame décavaillonneuse qui opère et le rotofil. Le but premier de cette disposition est de garder l’eau, la matière organique et éviter à tout prix que la vigne ne descende plus. Et puis, ce mode de travail présente quelques avantages : « on observe plus de confort de travail pour les vendangeurs et ils vont plus vite », fait état Marc.

Grâce aux terrasses, la météo ne devient pas le premier rouage de l’exploitation : « on ne se pose plus la question pour semer le semi. Le sol n’a jamais bougé. En 2017, on avait eu 50 mm d’un coup et ça n’avait pas bougé grâce à cette modalité », se rappelle Vincent.

Charlotte Favarel

Les vignes terrasses prennent le dessus sur les coteaux, de Beaujeu à Vauxrenard.