Si l’on oublie ce printemps historiquement pluvieux, ces dernières années ont été marquées par des épisodes de canicules et de sécheresse importants. La chambre d’agriculture a effectué deux enquêtes auprès des irrigants de l’Est lyonnais, en 2015 puis en 2020, pour voir l’évolution des assolements et de la consommation d’eau. Le point avec Colin Duprés, conseiller grandes cultures.

Une efficience remarquable
(c)CA69

Quels sont les chiffres clés à retenir de cette enquête ?

Au fil des années, on constate une évolution de la proportion cultures d’hiver / cultures de printemps, avec un assolement qui s’est progressivement plus orienté vers blé/orge/colza, à la place de l’habituel maïs / soja. 
Ainsi, les chiffres de l’enquête de 2015 révélaient 41 % de culture d’hiver et 45 % de culture de printemps, contre, respectivement, 54,2 %  et 27,7 % d’après les chiffres de 2020. C’était donc bien plus équilibré il y a quelques années. Certes cela est notamment dû aux attentes du marché, mais les cultures d’hiver étant moins consommatrices en eau, cela va dans le sens des économies d’eau. 
Il faut aussi noter au passage, que les cultures de printemps, tournesol et maïs, doivent également faire face à la problématique ravageurs ce qui joue également sur leur implantation. On se retrouve ainsi toujours avec les mêmes cultures, mais pas dans les mêmes proportions. 
Un autre chiffre clé qui ressort de cette enquête, c’est celui de l’évolution climatique que l’indice évapotranspiration potentielle (l’ETP) fait ressortir. Les chiffres sont basés sur les données relevées depuis les années 1990 à la station météo de Colombier-Saugnieu. Ainsi, ces 25 dernières années, l’ETP a augmenté de 112 mm, ce qui signifie une évapotranspiration de 112 litres / m² en plus par rapport aux années 2000. Pour compenser cette augmentation de l’ETP, on pourrait s’attendre à une augmentation de l’irrigation. Or, sur cette même période, on note une diminution de la quantité d’eau apportée de 50 à 60 mm en moins par hectare.

Comment explique-t-on ces performances ?

C’est dû à l’efficience de l’utilisation de l’eau que l’on mesure en comparant la quantité d’eau utilisée pour produire 1 kg de matière sèche. Depuis les années 1990, on a besoin de moins en moins d’eau pour produire. À cela, trois leviers : les progrès du matériel avec, pour les irrigants de l’Est lyonnais, des enrouleurs plus efficients ; des progrès génétiques avec l’implantation de variétés qui ont besoin de moins d’eau pour produire moins, voire produire plus ; des progrès au niveau du pilotage de l’irrigation. C’est sur ce dernier point que la chambre d’agriculture intervient grâce à son réseau de sondes tensiométriques, qui permet de décider d’irriguer ou non en fonction de l’hygrométrie des sols. Les conseils de pilotage de la chambre sont très suivis.

Quels sont les limites et les points de blocages ?

Le vent est l’un des critères pris en compte pour lancer un tour d’eau. Or avec l’augmentation du vent et de la fréquence des jours avec vent, il peut parfois être difficile de trouver un créneau pour irriguer. Par ailleurs, c’est une donnée encore peu mesurée. 
Par ailleurs, un autre point de blocage est le renouvellement du matériel. La configuration des parcelles de l’Est lyonnais n’est pas adaptée au système de distribution par aspersion, elles sont trop petites. De ce fait, les irrigants restent avec des enrouleurs mais ce matériel ne bénéficie pas d’aides qui ne concernent que les systèmes de goutte à goutte. 
On estime désormais que nous allons très certainement atteindre une sorte de plafond de verre : nous avons énormément progressé sur l’efficience de l’irrigation, nous ne pouvons plus continuer sur cette même lancée. Des économies d’eau seront toujours possibles, mais plus dans les proportions que nous venons de connaitre.

Françoise Thomas

Sonde tensiométrique. (c)CA69
Zoom sur

Demain toujours les mêmes cultures ?

Est-ce que l’efficience de l’irrigation ouvre d’autres perspectives en matière de cultures pour les irrigants de l’Est lyonnais ? Question posée à Stéphane Peillet.

Nous allons continuer dans la même direction, c’est-à-dire avec les mêmes cultures. Il faut bien voir cependant que les maïs sont de plus en plus tolérants à la sécheresse : nous avons les mêmes rendements voire, ils sont meilleurs aujourd’hui qu’il y a 25 ans, avec des maïs consommant 30 % d’eau en moins. Par ailleurs, on nous a longtemps demandé de limiter les cultures de printemps et d’augmenter les assolements en blé. C’était une fausse bonne idée : cette année est la première année depuis 2018 où nous ne sommes pas obligés d’arroser les blés ! Les hivers étant de plus en plus secs, ces dernières années, les blés étaient autant arrosés que les maïs. 
Difficile également de suivre les préconisations autour du sorgho : il n’y a pas de débouché et la graine est compliquée à travailler. Seuls les animaux peuvent la consommer, or ils la trouvent moins appétente que du maïs. Agronomiquement, c’est compliqué aussi car il reste un important tissu racinaire en terre. Avec le soja, nous rencontrons beaucoup de problèmes pigeons, avec le maïs ce sont les corbeaux. Ainsi, l’idée est de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier, pour pouvoir suivre les évolutions du marché, faire face aux à-coups climatiques et économiques et aux conflits géopolitiques.  

F.T.