Dégâts aux cultures
Des solutions au banc d’essai
Romain Rollot a effectué un stage de six mois à la chambre d’agriculture du Rhône sur la problématique des dégâts aux cultures provoqués par les corvidés. Bilan.
Le problème est récurrent depuis de nombreuses années : les corvidés (corbeaux, corneilles…) ravagent chaque printemps les cultures céréalières : maïs et aussi soja et blé. L’intensité des dégâts sur le maïs semble se confirmer sur l’agglomération lyonnaise, elle est notamment liée à la stabilité des effectifs des oiseaux relocalisés en zone urbaine et à la forte réduction des surfaces de maïs. Les agriculteurs sont obligés de ressemer et perdent du temps et de l’argent. Certains ont même fait le choix d’abandonner certaines cultures comme le tournesol.
Afin d’essayer de trouver des solutions de gestion de ces populations et donc de limitation des dégâts, la chambre d’agriculture a missionné Romain Rollot, étudiant à Polytech Tours dans les domaines de l’environnement et de l’aménagement du territoire, pour un stage de fin d’études de six mois entre mars et août dernier, sur ce thème.
Demandez la plaquette !
Le périmètre d’études de Romain a concerné les zones céréalières de l’agglomération lyonnaise. Ce dernier a listé les actions existantes qui fonctionnent plus ou moins bien pour lutter contre ces dégâts (canon effaroucheur, enrobage des semences avec des produits répulsifs…). Il a aussi rencontré différents acteurs : représentants de la Ligue de protection des oiseaux (LPO), de la fédération des chasseurs du Rhône et de la Métropole de Lyon (FDCRML), d’Arvalis et des agriculteurs.
Son travail a donné lieu à une plaquette de 4 pages disponible sur demande à la chambre d’agriculture du Rhône. On y retrouve un descriptif de la situation dans l’Est lyonnais, avec des chiffres, des informations sur les principaux oiseaux nuisibles (corbeau freux et corneille noire), un rappel du cadre réglementaire et les techniques pour limiter leurs dégâts. Ces techniques se répartissent en 4 catégories : les mesures de prévention (élagage des arbres de nidification) peu utilisées ; les mesures de régulation (piégeage, chasse) plébiscitées par les agriculteurs mais polémiques ; les mesures d’effarouchement (canons, pistolets effaroucheurs) à l’efficacité limitée ; les techniques culturales (semis en profondeur) encore méconnues.
L’effarouchement en test
Un bilan local des techniques d’effarouchement a été réalisé par la chambre d’agriculture en partenariat avec Arvalis institut du végétal et le Geda de l’Ozon. Dix techniques ont été testées sur 18 parcelles de 13 exploitants. Il en ressort que cette année le taux de dégâts ne dépend pas de la date de semis ; les parcelles de plus de 10 ha ont subi, proportionnellement moins de dégâts que les autres ; les dégâts semblent moins importants quand la distance entre la parcelle et la corbeautière est supérieure à 5 km. Les essais ont par ailleurs démontré le rôle de l’environnement de la parcelle : l’intérieur est en général plus touché que les bordures et les éléments du paysage (haies, arbres, accès…) peuvent influer. Il est à noter que les parcelles traitées Korit 420FS présentent moins de 20 % de dégâts. Mais la probable interdiction de ce produit à court terme sans équivalent homologué pour l’instant pose la question d’une alternative. L’intervention d’un fauconnier (voir témoignage ci-contre) s’est révélée efficace en 2021, d’autant plus si elle est couplée à un traitement des semences. Les ballons (avec des reflets ou gonflés à l’hélium) présentent des résultats positifs, reste à étudier leur faisabilité à plus grande échelle.
Les autres méthodes testées se sont révélées moins intéressantes avec des taux d’attaques qui restent importants. Parmi elles, les tirs ont une efficacité très variable, l’agrainage avec l’utilisation d’un produit naturel à base de piment et les semis sous couvert n’ont pas fait leurs preuves non plus.
Le bilan de cette étude montre qu’aucune technique de lutte n’est totalement efficace et que leur association est indispensable. L’amélioration des connaissances sur le comportement des corvidés permet de mieux appréhender les périodes d’attaques et la sensibilité des parcelles afin d’adapter la lutte. « Les dégâts de corvidés sont multifactoriels, ce qui rend la protection des cultures complexe et nécessite un plan d’actions concerté », peut-on lire sur la plaquette en conclusions.
Informations et contacts : [email protected]
Dégâts / L’importance de la déclaration
La chambre d’agriculture, la FDSEA et la fédération des chasseurs appellent les agriculteurs à faire parvenir leurs déclarations de dégâts à la chambre d’agriculture. Un maximum de remontées de la part des agriculteurs pèsera en effet dans le classement à venir (2022) des espèces d’animaux susceptibles d’occasionner des dégâts.
Témoignage / Le faucon, angoisse des corvidés
Gratien Barge, céréalier à Saint-Bonnet-de-Mure, a combiné plusieurs méthodes contre les dégâts de corbeaux et a fait intervenir un fauconnier.
Gratien Barge, exploitant à Saint-Bonnet-de-Mure, confirme que les dégâts sur cultures sont de plus en plus complexes à gérer. « Avec des espèces protégées comme les choucas et les corbeaux, c’est difficile. Cette année, j’ai dû ressemer une parcelle de 7 ha qui a été attaquée par les corbeaux deux jours après le semis alors que la plante n’était pas encore sortie de terre ! On dispose de différents moyens de lutte : traitement des semences, tirs par les chasseurs, effaroucheurs, il faut les combiner pour obtenir quelques résultats », commente le jeune céréalier.
Ce dernier a entendu parler d’une autre méthode d’effarouchement par le bouche à oreille et a ainsi pris contact avec un fauconnier. « Celui-ci est resté plusieurs jours sur le secteur et a fait voler à tour de rôle ses 4 rapaces au-dessus de mes parcelles. À l’aide d’appâts, il simulait des attaques de faucon, ce qui a créé un climat d’angoisse pour les corbeaux à proximité. L’exercice répété plusieurs jours et sur différentes parcelles a permis d’éloigner les corvidés pendant la période critique des semis. Combinés à des tirs d’effarouchement effectué par le fauconnier, les résultats se sont révélés probants. Avec mon frère, nous comptons bien renouveler l’opération l’an prochain », indique Gratien Barge.