Énergie
Agriculture et photovoltaïque : plusieurs façons de produire de l’énergie
La production d’énergie en agriculture fait parler d’elle, particulièrement le photovoltaïque. Sur le terrain et dans les esprits, règne parfois la confusion voire même l’incompréhension. L’exemple le plus parlant est probablement celui de l'agrivoltaïsme dont les textes officiels encadrant son développement ont fait l’objet de longues négociations entre les différentes parties prenante. Cela a abouti à une loi (la loi Aper). Malgré les avancées, il reste encore des zones d’ombre. Le photovoltaïque suscite en effet autant l’attention que l’inquiétude… D’où l’importance de clarifier les informations.
Le contexte est le suivant : en 2009, la Commission européenne encourage la transition énergétique des États-membres avec l’objectif que 23 % de la consommation finale brute d’énergie proviennent de sources d’énergies renouvelables, à l’horizon 2020. 2020 arrive et la France n’est pas dans les clous puisqu’elle n’a pas atteint ces objectifs. Afin de combler ce retard, est promulguée la loi accélération de la production d’énergies renouvelables (Aper) le 10 mars 2023. Elle prévoit notamment des procédures simplifiées afin d’encourager les acteurs locaux, collectivités, entreprises, propriétaires fonciers et agriculteurs à développer ces nouvelles sources de production d’énergie verte.
En matière de photovoltaïque agricole, cette loi précise les possibilités en matière d’installation de photovoltaïque sur les terrains agricoles.
L’agrivoltaïsme : La production agricole avant tout
Selon les termes de la définition figurant dans l’article 54 de la loi Aper, une solution agrivoltaïque regroupe l’ensemble des installations solaires utiles au maintien ou au développement d’une activité agricole. Ces systèmes doivent garantir une production agricole significative et un revenu durable. Les décrets d’application de cette loi se sont attachés à donner des définitions de ces termes. Il reste cependant des points à éclaircir.
Ensuite, la CDPENAF (voir encadré), autorise ou non les projets dans ces zones en donnant un avis conforme, notamment par l’analyse des critères agricoles du projet.
Le PV compatible ou « au sol » : l’agriculture « secondaire »
En matière de photovoltaïque agricole, on peut par ailleurs citer le photovoltaïque compatible ou communément appelé « photovoltaïque au sol ». Dans ce cas-là, le mot d’ordre est de produire de l’électricité à un coût compétitif et qui assure un bénéfice économique au porteur de projet. Ces installations doivent se situer dans les zones réputées incultes. Ces zones étant repérées dans un document-cadre approuvé par le préfet de Département, après proposition de la chambre départementale d’agriculture. Ce document-cadre est une cartographie des zones naturelles, agricoles et forestières éligibles, pour lesquelles ces projets compatibles/au sol sont autorisés (à voir si on garde cette dernière phrase) (Détails sur le site de la chambre d’agriculture du Rhône : https://extranet-rhone.chambres-agriculture.fr/).
Il convient alors de bien cerner la différence avec l’agrivoltaïsme qui vise à améliorer le potentiel agronomique, le bien-être des cultures et des animaux, notamment en les protégeant des aléas météorologiques, et, enfin, à produire de l’électricité (en général moins compétitive que pour un photovoltaïque compatible/au sol).
Des toitures productrices
Une autre forme de production d’énergie solaire prisée du monde agricole est le photovoltaïque sur bâti. Pour l’heure, ces installations sont les plus répandues et celles qui bénéficient du meilleur recul. Contrairement aux autres modes de production, elles ne font pas l’objet de débat. Réglementairement, la loi Aper n’apporte aucun changement significatif. Différentes valorisations de l’énergie sont possibles : vente totale d’électricité, autoconsommation et vente de surplus. Toute cette diversité de projets agricoles peut intégrer une opération d’autoconsommation collective. Ces centrales sont préférentiellement installées sur des toitures neuves mais également existantes (parfois plus complexe pour de l’existant).
Sources : https://www.engie-green.fr/ et https://www.batimentetenergie.fr/
Enzo Casnici et Emmanuelle Perrussel
« Pour un développement raisonné, progressif et encadré »
La position des chambre d’agriculture d’Auvergne-Rhône-Alpes a été clairement énoncée dans un communiqué de presse en 2022.
Ce positionnement a été réaffirmé par la chambre d’agriculture du Rhône. « La souveraineté énergétique ne doit pas se faire au détriment de la souveraineté alimentaire et doit nécessairement préserver la capacité productive du foncier agricole ».
Les chambres d’agriculture d’Aura ont priorisé les projets de développement suivants :
1. panneaux photovoltaïques sur les toitures des bâtiments (agricoles et hors agricoles)
2. Panneaux photovoltaïques sur les ombrières de parkings.
3. Photovoltaïque au sol : terrains non agricoles identifiés par les chambres d’agriculture dans le document cadre prévu par la loi Aper.
4. Agrivoltaïsme collectif.
5. Agrivoltaïsme individuel.
Cette délibération affirme 3 conditions cumulatives qui doivent guider les décisions des commissions de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) :
• le consensus : la profession agricole, à travers la CDPENAF, orchestre la localisation des projets pour une acceptabilité sociale.
• Le collectif : la profession agricole doit être motrice dans le pilotage de chaque projet.
• La répartition de la valeur : la profession agricole prescrit la répartition du capital dans les sociétés. La richesse produite par cette production d’énergies renouvelables doit être justement répartie entre les exploitants agricoles, les opérateurs de production et la collectivité territoriale.
Les élus exigent par ailleurs que « le développement des énergies renouvelables ne remette pas en cause le renouvellement des générations, l’organisation des filières de production de biens alimentaires et plus généralement l’activité économique des territoires ».
Agrivoltaïsme : vision commune
Les chambres d’agriculture régionales ont également partagé une vision commune du développement de l’agrivoltaïsme, déclinée localement, en lien avec les autres acteurs gestionnaires des espaces naturels et forestiers, les collectivités territoriales et les opérateurs de l’énergie. Elles proposent ainsi :
• que les projets agrivoltaïques soient sélectionnés selon des critères agronomiques en veillant à maintenir la quantité et la qualité de la production végétale ou animale sous les panneaux.
• Que tout développement agrivoltaïque constitue une opportunité économique qui doit être partagée entre les acteurs des territoires (exploitants, propriétaires, habitants…).
• Qu’un suivi agronomique, technique et économique des installations soit réalisé permettant ainsi l’acquisition de références, compilées au sein de l’Observatoire national de l’agrivoltaïsme. Une priorité sera donnée aux développeurs en capacité de fournir des références robustes sur les impacts agricoles des projets agrivoltaïques qu’ils portent.
Les chambres d’agriculture préconisent une montée en puissance progressive des installations agrivoltaïques permettant d’acquérir des références robustes. Elles seront vigilantes sur le fait que des sanctions claires soient établies et appliquées le cas échéant, pour se prémunir contre des projets « alibis ».
Dans les faits, il faut retenir que le cadrage est régional mais la vigilance se fait au cas par cas, compte tenu de la diversité des productions et des typologies d’exploitation dans le Rhône. « Chaque projet est étudié par les services concernés et en concertation avec les toutes les parties concernées. À ce jour, chaque projet de photovoltaïque au sol est analysé lors du bureau chambre », précise-t-on à la chambre d’agriculture.
E.P.