Biodiversité
Pacte en faveur de la haie : pour reprendre la nature en main
Planter 50 000 km de haies d’ici 2030 dans l’Hexagone. Tel est le pari très ambitieux engagé l’année dernière par le ministère de l’Agriculture dans le cadre du Pacte en faveur de la haie. Doté d’un budget national de 110 millions d’euros, ce plan de replantage porté dans le département par la Chambre d’agriculture, la mission Haies AURA et la fédération des chasseurs du Rhône a permis à 17 agriculteurs du territoire d’en bénéficier, avec la commande de 3638 mètres linéaires de haies et 369 arbres.
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Le chiffre est considérable. Véritables gardiennes de la biodiversité, les haies françaises sont menacées depuis plus de cinquante ans par une disparition progressive estimée à 20 000 kilomètres par an. Malgré des initiatives pour les protéger, la tendance à la dégradation persiste, aggravée par des pratiques de gestion non durables. « L’absence de haies est essentiellement liée à l’aménagement. À partir du moment où les gens ont commencé à faire de grandes parcelles, les haies étaient problématiques car elles prenaient de la place. Avant, on ne comprenait pas leur intérêt parce qu’elles demandaient aussi de gros efforts d’entretien. Donc avec le temps, elles ont été de plus en plus arrachées. Maintenant, il y a l’effet inverse, et on se rend compte que les haies jouaient un rôle auparavant. Certains agriculteurs possèdent le plan des parcelles à l’époque de leurs arrière-grands-parents, et ils sont en train de replanter toutes les haies arrachées il y a 50 ans » explique Manon Oriol, conseillère en agroécologie et viticulture à la Chambre d’agriculture du Rhône.
De nombreux intérêts sous-estimés
Car en complément de leur rôle écologique essentiel, ces types de plantations offrent des services multiples : préservation de la biodiversité, lutte contre l’érosion, régulation du climat, mais aussi soutien à l’agriculture : « les intérêts sont vraiment nombreux, il n’y a que des avantages à replanter : protection contre le vent, limitation de l’impact du gel sur les parcelles, ombrage en fonction du positionnement, stockage du carbone, limitation de l’érosion, notamment dans les parcelles à grosse pente. On y pense peu souvent, mais installer une haie en contrebas évite de voir tout son sol descendre sur la route » précise Manon Oriol.
Une approche globale
Bien au-delà des seuls enjeux agricoles, ce pacte a pour objectif de fédérer tous les acteurs concernés par la haie, des pépiniéristes aux gestionnaires en passant par les collectivités, les entreprises et les associations. Pour y parvenir, un ensemble d'actions concrètes a d’ores et déjà été mis en place, avec notamment la création d'un observatoire des haies et un chantier juridique visant à sécuriser et simplifier leur gestion à travers une harmonisation des réglementations.
Mais le pacte va plus loin : il propose aussi une valorisation économique des produits issus des haies, qu’il s’agisse de bois-énergie, de biomasse ou d’autres ressources. Ainsi, les haies ne seront plus seulement perçues comme des éléments de paysage à préserver, mais comme des leviers économiques durables qui participent activement à la transition énergétique et à la décarbonation de l'économie.
Des actions concrètes pour un futur durable
Pour soutenir cette ambition, un effort inédit a donc été consenti pour le financement de la plantation de haies, avec un accent particulier sur la production de plants adaptés aux besoins locaux, comme l’explique Maxime Malard, viticulteur à Lantignié, qui a bénéficié du financement pour un projet de plantation de 250 mètres de haies : « les végétaux ne sont pas importés de l’autre bout de l’Europe, comme l’Allemagne, la Belgique, la Hollande ou l’Italie. Les plantes viennent de pépinières françaises issues de semis de graines de notre zone. Génétiquement, la plante de nos vignes utilisée pour faire les haies possède les mêmes caractéristiques que nos plantes locales. Cela signifie une meilleure adaptabilité au climat, à la sècheresse, au froid et au vent ».
Se former pour structurer le paysage
Parallèlement, un renforcement de la formation et de l’accompagnement des acteurs du secteur agricole a été mis en place, avec le soutien de la Chambre d’agriculture, de la mission Haies AURA et la fédération des chasseurs du Rhône. Une approche qui permet de répondre à la fois aux besoins immédiats et aux enjeux à long terme de la gestion des haies : « l’accompagnement technique qui nous est offert simplifie grandement les choses, que ce soit purement administratif ou beaucoup plus concret, comme le choix des essences des arbres. Il ne me restait plus que des bonnes raisons pour me lancer, créer de la biodiversité et structurer mon paysage. Car les plus beaux paysages sont des paysages avec des haies » se réjouit le viticulteur.
À terme, le Pacte en faveur de la haie propose donc un projet sans précédent : augmenter le linéaire de haies de 50 000 km d’ici 2030. Un objectif ambitieux qui s'inscrit dans le cadre de la planification écologique du département.
Rémi Morvan