Mobilisations
La colère des agriculteurs conflue à Lyon

Charlotte Favarel
-

Le lundi 18 novembre, les syndicats FDSEA 69 et les Jeunes agriculteurs du Rhône se sont mobilisés à Lyon, près du musée des Confluences, pour rappeler les revendications soulevées en début d’année.

La colère des agriculteurs conflue à Lyon
Petit et grand tracteur représentent respectivement la France face à l'accord du Mercosur. CF/IAR

À l’occasion de cette mobilisation, plusieurs élus et syndicalistes ont pris la parole pour réaffirmer l’urgence de leurs demandes concernant la simplification administrative, les prix de vente, la concurrence déloyale, ainsi que la gestion des crises sanitaires et des accords commerciaux. Cinq députés et deux sénateurs étaient à leur écoute. Plusieurs panneaux de communes rhodaniennes ont été décrochés les 16 et 17 novembre et posés sur le parvis du musée pour faire passer un message : « on ne sait plus où on va ».

Dis-moi ta filière je te dirai où tu as mal

Élise Michallet, présidente de la FDSEA 69, a ouvert la rencontre en soulignant le décalage entre les promesses faites et la réalité : « nous sommes toujours dans l’attente, alors qu’on avait demandé une simplification administrative. La réalité est bien différente ». Elle a exprimé sa colère face aux récentes décisions environnementales et la réduction des molécules phytosanitaires, sans solution alternative viable. « Nous ne sommes pas contre l’évolution, mais il nous faut des solutions concrètes. » La présidente a également dénoncé l’impact du Mercosur, qualifiant cet accord commercial d’« ultime provocation ». Elle a conclu : « la souveraineté alimentaire de la France et la survie des exploitations sont en jeu » et a appelé à un vote solennel au Parlement.

Pour la filière fruits, l’arboriculteur et maraîcher Bruno Ferret a évoqué la situation critique des producteurs face à l’augmentation des maladies sur les cultures : « aujourd’hui, on va produire à l’étranger, parce qu’on ne voit pas les pratiques culturales ». Il a aussi pointé du doigt la pression des insectes invasifs, comme la drosophila suzukii, et les difficultés à lutter contre ces ravageurs avec les moyens actuels : « si on veut vivre, il nous faut des moyens de lutte ». L’arboriculteur a notamment mentionné les coûts élevés des solutions de protection, soulignant qu’1 ha de cerisiers peut coûter jusqu’à 100 000 € à couvrir.

Samuel Douville, agriculteur à Saint Priest, a ajouté une perspective sur l’agriculture biologique, soulignant les enjeux de marché pour ces produits. « En agriculture biologique, nous n’avons même pas de marché pour vendre la farine produite à Saint Priest aux cantines locales, et cela empêche d’atteindre nos objectifs. » Il a aussi critiqué la méconnaissance des consommateurs, souvent mal informés sur la provenance des produits qu’ils consomment, et a insisté sur l’importance de soutenir l’agriculture locale.

Vice-président de la FDSEA 69, Pascal Gouttenoire a exposé les difficultés spécifiques des élevages face à des maladies animales comme la fièvre catarrhale ovine et a évoqué les pertes économiques associées : « le printemps dernier a été difficile, avec un manque de lait et de viande, et des pertes indirectes qui ont affecté l’ensemble de la filière ».

En ce qui concerne l’accord Mercosur, tous ont exprimé leur opposition. Pascal Riche, éleveur à Lucenay, a insisté sur l’impact de l’accord sur les prix de la viande : « nous avons des bêtes qui pâturent et entretiennent le territoire. Mais avec l’importation de viande traitée aux hormones, nous risquons de déstabiliser toute la filière ». De même, Luc Pierron, viticulteur à Chatillon et secrétaire général de la FDSEA 69, a exprimé sa préoccupation face à la baisse continue des volumes de vin rouge, et l’impact des intempéries comme le gel et la grêle. « Nous avons besoin de tout le monde pour nous soutenir, mangez français, buvez français », a-t-il ajouté en appelant à l’unité. Enfin, Guy Ragey, représentant de la section des anciens exploitants, a souligné l’importance de réformer le système de retraite pour permettre aux jeunes agriculteurs d’avoir une meilleure rémunération : « si on veut installer des jeunes, il faut leur garantir une pension décente ».

Plusieurs élus à l’écoute

Les sénateurs Thomas Dossus et Étienne Blanc ont reconnu le rôle crucial des agriculteurs et se sont engagés à soutenir les revendications. Thomas Dossus a souligné l’urgence du blocage du traité Mercosur, tandis qu’Étienne Blanc a insisté sur la nécessité de simplifier les formalités administratives : « les agriculteurs sont faits pour travailler la terre, pas pour se perdre dans la paperasse ». De son côté, Boris Tavernier, député, a demandé des retours sur l’application de la loi Egalim. Samuel Douville a répondu : « si nous appliquions toutes les lois existantes, ce serait un vœu pieux ». Il a réitéré la nécessité d’un marché garanti pour les produits locaux et bio, soulignant que la stabilité des prix et des volumes était essentielle pour la pérennité des exploitations. Le député Thomas Gassilloud, a souligné les progrès réalisés depuis 2017, notamment avec le projet de loi d’orientation agricole, mais a reconnu que certaines mesures étaient encore en attente d’application. Il a également fait écho à l’opposition au Mercosur. Dans un échange avec le député Jean-Luc Fugit, le dialogue a porté sur l’urgence de mettre en place un contrôle administratif unique pour alléger les démarches. Le député a exprimé son soutien aux agriculteurs en affirmant : « nous avons déjà voté contre le Mercosur, et nous continuerons à nous battre pour que cet accord ne soit pas ratifié ». Enfin, la députée Anaïs Belouassa-Cherifi a évoqué la nécessité d’une rémunération correcte pour les agriculteurs, et a souligné l’importance de lutter contre les dérives de l’agribusiness : « éduquer les consommateurs est essentiel pour orienter leurs choix vers des produits de qualité ».

Charlotte Favarel

Depuis le 18 novembre, plusieurs feux de la colère illuminent tout le département. Crédits : fdsea69