Concours
Trophée beaujolais nouveaux : une année de primeur
Le domaine des communes à Anse a accueilli, le 16 novembre, la 24e édition du trophée des beaujolais nouveaux, une célébration de l’excellence vigneronne. Avec 265 échantillons dégustés par 76 jurés, cette édition a mis en lumière un millésime prometteur, fruit d’un savoir-faire de vignerons acharnés et de vinificateurs avisés.
L’événement a débuté par un hommage à Philippe Bachy, œnologue et fondateur du trophée, décédé cette année. Alain Siodlak, président régional de l'Union des œnologues de France pour la partie Bourgogne Centre-Est, a salué « l’homme visionnaire sans qui ce rendez-vous n’existerait pas ».
Les efforts récompensés
En introduction au concours, Bertrand Chatelet, directeur de la Sicarex, a fait le point climatique. Il décrit un millésime marqué par « un débourrement précoce en mars, suivi de gelées tardives autour du 19 avril et d’épisodes de grêle. Malgré une pluviométrie excédentaire jusqu’en août et des conditions climatiques complexes, les raisins ont bénéficié d’une maturité conforme à la moyenne, laissant entrevoir un bon potentiel pour certaines parcelles ». Sébastien Kargul, vice-président d’Inter Beaujolais, exprime sa « fierté » de présenter les vins nouveaux, fruits d’un millésime difficile exigeant « acharnement et expertise ». Les beaujolais nouveaux retrouvent leur place grâce à leur convivialité et leur caractère unique, attirant une nouvelle génération de consommateurs étrangers curieux de découvrir ces vins précoces. « Nous recréons un lien avec ces nouveaux amateurs, ce qui est une belle dynamique pour l’avenir du Beaujolais », se réjouit-il.
« Un millésime homogène et surprenant »
Sous la coordination d’Hélène Granger, œnologue et membre de l’équipe organisatrice, les dégustateurs ont évalué les cuvées selon des critères précis regroupant la vue, l’odorat et le goût. Trois mises en bouche ont marqué le début des dégustations et la tendance des primeurs cette année : « une attaque fraîche et vive », « des notes fruitées et structurées », et « un fruit croquant et agréable », selon différents jurés. Pour rappel, en fonction de la moyenne de la table, une médaille d’argent est attribuée à partir de 81 points, la médaille d’or pour 87 points et le grand prix or à partir de 93 points.
L’ambiance du trophée des beaujolais nouveaux a débuté dans le calme et la concentration, chaque dégustateur prenant soin de noter les échantillons en silence. Au fil des séries, les échanges se sont animés : « en bouche, je le trouve asséchant mais très vif », partage un dégustateur, tandis qu’une autre ajoute : « il a plus de rondeur, on y retourne avec plaisir ». Les discussions sur les notes et les profils aromatiques rythment la dégustations, divisée en deux séries. Les applaudissements collectifs de plusieurs tables, marquant l’attribution d’une médaille d’or grand prix, ont montré à quel point ce millésime est qualitatif.
Thierry Poirier, œnologue retraité mais encore actif, se réjouit de participer pour la troisième fois au trophée des beaujolais nouveaux, venant spécialement de Montpellier. « Derrière les vins, il y a des hommes et des femmes, et un véritable attachement se crée au fil des années », partage-t-il, tout en saluant les techniques de tri qui garantissent une belle qualité, même dans les années difficiles. À la table voisine, Marie-Laure Nesme, œnologue travaillant dans le Beaujolais depuis quinze ans, considère le trophée comme un moment clé du vignoble. « C’est à la fois le lancement du nouveau millésime et l’aboutissement d’une année de travail », explique-t-elle, tout en saluant le sérieux de l’organisation et des dégustateurs. Malgré un millésime complexe, elle souligne des vins « très fruités et faciles à boire », témoins d’un effort collectif pour en tirer le meilleur.
Arnaud Chambost, sommelier et meilleur ouvrier de France, a salué un millésime « homogène et surprenant », avec de belles cuvées qui pourront encore évoluer dans les trois à quatre prochaines années. « Ce sont des vins de soif gourmands qui donnent envie de retendre son verre. Ces cuvées présentent une belle concentration, idéales pour être savourées jeunes, mais capables de bien vieillir », a-t-il ajouté.
« Les vignerons se sont très bien débrouillés »
« On partait avec des a priori sur les maturités et les fruits, mais les vignerons se sont vraiment bien débrouillés. Il y a peu de notes végétales, et le vin présente du fruit et de la rondeur, un vrai soulagement pour les vignerons dont le moral n’était pas au beau fixe », observe Manon Puma, œnologue conseil au Bois d’Oingt. À la table derrière elle, Sébastien Kargul remarque « un millésime très diversifié, avec un spectre qualitatif resserré et aucun vin qui ne décroche complètement ». Malgré un millésime compliqué, les vignerons ont évité la tentation de la facilité en cave, une prise de risque qui a été largement récompensée.
Pour sa première participation au trophée, Anaïs Burnichon, experte en œnotourisme, évoque un beau millésime. Elle souligne : « avec les conditions climatiques, on s’attendait à des vins acides, mais finalement, il n’y a pas eu de grosse déception ». À la table voisine, Inès Bertrand, technicienne viti-vinicole précise : « il n’y a pas de problème pour avoir du degré, les tanins sont souples, ce qui fait de ce millésime un excellent primeur, avec deux styles distincts : l’un très fruité et l’autre annonçant les prémices de bons vins de garde ».
Ce trophée a confirmé l’attachement des professionnels et des amateurs à l’univers des beaujolais nouveaux. Avec des cuvées à la fois accessibles et raffinées, le millésime 2024 s’impose comme un reflet de la résilience des vignerons du Beaujolais.
Charlotte Favarel