FDSEA / FNPL
Une journée laitière d’échanges et de débats

Rémi Morvan
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Le 18 décembre dernier, une quarantaine de professionnels de la filière laitière se sont réunis sur les hauteurs de Saint-Martin-en-Haut pour une journée de discussions organisée par la FDSEA Rhône. Prix, investissements, stratégie vaccinale, production bio, optimisation fiscale... Les problématiques abordées étaient vastes et les débats passionnés. 

Une journée laitière d’échanges et de débats
Une quarantaine de professionnels de la filière étaient présents lors de cette journée laitière. (Rémi Morvan / IAR)

« On vit une période intéressante parce que depuis deux ans, on a augmenté notre production. Bien qu’il y ait une érosion des installations et des actifs, on n’a jamais été aussi nombreux. Mais il n’est pas normal de voir qu’à 40-45 ans, des éleveurs épuisés jettent l’éponge. Ce qui compte, c’est d’avoir la capacité de gagner de l’argent et de transmettre ça à des jeunes qui ont envie de rénover l’outil pour que ce soit le moins contraignant possible ». Gilles Durlin, vice-président de la FNPL, donnait déjà le ton en préambule de cette journée d’échanges autour de la situation des éleveurs.  

Une conjoncture en demi-teinte

Pour tendre vers un futur au beau fixe, de nombreux sujets ont été soulevés et analysés durant cette session, à commencer par le socle :  une conjoncture économique plutôt encourageante. Cette année, la collecte en litrage a en effet connu un rebond non négligeable par rapport à l’an dernier (+3,2%) malgré un recul du cheptel laitier (-1,6%). Du côté du prix du lait standard conventionnel à la production, celui-ci a poursuivi sa hausse modérée en septembre. Corrélé à un effet de saisonnalité, il était en hausse de 1,4%, le ramenant à 450,4 €/1 000 l (contre 517,8 €/1 000 l pour le lait biologique). À titre comparatif, celui-ci a augmenté de 14% en Europe sur la même période, avec une moyenne de 480 €/1 000 l. 

Pour Mickaël Gonin, responsable de la filière laitière à la FDSEA et producteur de lait à Amplepuis depuis plus de 20 ans, il faut donc retrouver une compétitivité pérenne : « aujourd’hui, on importe de la matière grasse alors qu’on pourrait la produire. On ne le fait pas parce que le cadre n’est pas incitatif. C’est dommage ». Et Gilles Durlin de confirmer : « si on perd des parts de marché, c’est qu’il y a peut-être des problèmes de compétitivité au niveau industriel et au niveau des distributeurs. Il faut oser en parler »

FCO et MHE : une stratégie vaccinale dans le flou

Si les axes de travail sont vastes pour redresser la situation économique de la filière laitière, le volet sanitaire n’est pas en reste. Sujets brûlants mis sur la table : la Fièvre Catarrhale Ovine (FCO) et  la Maladie Hémorragique Epizootique (MHE), sources de stratégies vaccinales portant à de vives inquiétudes, aussi bien sanitaires qu’économiques.  Dans ce dossier complexe, la FNPL souhaite en effet redéfinir le rôle de l’Etat concernant le financement de ces vaccins, puisque seuls les nouveaux variants de la FCO sont couverts, les autres étant disponibles à la commande sur le marché privé. Pour la MHE, les éleveurs demandent l’élargissement de la zone vaccinale à l’ensemble de la France métropolitaine. Cependant, la situation tendrait à se débloquer en début d’année prochaine après la promesse d’une enveloppe de 75 millions d’euros allouée par l’État, budget qui avait été gelé à la suite de la motion de censure contre le gouvernement Barnier. 

L’optimisation fiscale, un enjeu fondamental

Alors qu’ils connaissent un accroissement continu des moyens de production depuis dix ans avec la même main d’œuvre, les éleveurs de la filière laitière enregistrent des revenus stables. Mais alors, pourquoi travailler plus pour gagner autant ? Il semblerait que la réponse se cache derrière le volet de la fiscalité et de son optimisation. 

Afin de sécuriser la valeur de leurs produits et garantir une régularité des revenus à court et à moyen terme, un certain nombre de mécanismes, plus ou moins complexes, peuvent en effet être mis en place. Amortissement dérogatoire, déduction épargne de précaution, plan d’épargne retraite, épargne salariale, externalisation du travail saisonnier, crédits d’impôt divers, impôt sur les sociétés... Les outils sont nombreux pour éviter de subir une pression fiscale souvent étouffante, et trouver le juste équilibre financier. 

Petit bémol cependant : malgré des résultats souvent probants, il semblerait que tout soit question de dosage : « l’optimisation fiscale peut être un levier intéressant pour les exploitations agricoles, mais elle comporte des risques lorsqu’elle est poussée à l'extrême. Si certaines économies de cotisations sociales semblent séduisantes, elles peuvent parfois entraîner des décisions plus coûteuses à long terme, comme des investissements importants ou des montages complexes. Il est donc crucial de réfléchir à la rentabilité réelle de ces investissements avant de se lancer dans des dispositifs fiscaux, certains étant déjà à bout de souffle » prévient Fabien Pelissier, conseiller Cerfrance. 

Des perspectives encourageantes 

A l’image de cette journée de partage conviviale et constructive, les débats ont été ponctués par un élan de positivisme de la part de ses intervenants : « globalement, l’agriculture va bien, et la production laitière va mieux. Il faut qu’on se mette dans une dimension de chef d’entreprise qui gère son exploitation autrement que ce qu’on a fait jusqu’à maintenant. Que ce soit sur la main d’œuvre, les conditions de travail ou les leviers fiscaux, des réflexions sur l’organisation de nos exploitations à moyen et à long terme doivent être engagées. Les outils sont nombreux, il ne faut pas hésiter à les développer pour améliorer nos conditions de travail » conclura Gilles Durlin avec conviction et sérénité.  

Rémi Morvan