Flavescence dorée
Des leviers collectifs

Charlotte Favarel
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Arracher les ceps infestés, planter avec des greffes traitées à l’eau chaude, nettoyer son matériel, prospecter, respecter les modalités de traitements… Ces cinq bons gestes sont plus que jamais essentiels dans la lutte contre la maladie de la flavescence dorée. Répétés toute l’année au cours des assemblées générales, ils doivent devenir un automatisme. Organisée par la chambre d’agriculture du Rhône, la Fredon, les ODG du Beaujolais, Agribio et Vinescence, une demi-journée d’information pratique a eu lieu le 18 juillet à la Grange Charton.

Des leviers collectifs
Six ateliers étaient proposés aux participants pour rappeler les bons réflexes face à la maladie de la flavescence dorée. ©CF/IAR

Traitement à l’eau chaude, bonnes pratiques, traitements phytosanitaires, prospection, faune auxiliaire ou encore Plan national de dépérissement du vignoble… Tous les éléments étaient réunis le 18 juillet, entre la cour de la Grange Charton et ses parcelles, pour intégrer les leviers d’actions contre la flavescence dorée.

Bien appliquer son traitement

Brieg Clodoré, chargé de mission viticulture bio pour Agribio Rhône et Loire a discuté Pyrevert lors de la demi-journée technique consacrée à la lutte contre la cicadelle de la flavescence dorée. Pour optimiser l’efficacité de traitement Pyrévert, « une pulvé très diffuse pour recouvrir un maximum de feuilles et de baies » est de mise. Si diverses causes peuvent provoquer l’inefficacité de ce produit, « en respectant certaines consignes, l’Ardèche a réussi à passer de trois à deux traitements ». Si ce n’est pas de gaieté de cœur que les agriculteurs ont recours au traitement, plusieurs pistes pour qu’il soit efficace ont été abordées : « concernant la biodiversité, on peut déjà éliminer les bandes enherbées et fleuries pour ne pas favoriser un guet-apens avant le traitement. Ensuite, pulvériser en début de soirée permet de préserver les abeilles ». Et le chargé de mission conseille également de faire un contrôle d’efficacité trois jours après le traitement. Avec des conditions optimales météorologiques, « des températures comprises entre 10°C et 25°C, une hygrométrie idéale et l’ajout d’un mouillant en saison séchante », l’efficacité est au rendez-vous. En revanche, « mélanger fongicides et insecticides peut mener à 80 % d’efficacité en moins d’une heure. Il faudrait appliquer le produit dans l’heure ». En termes de période d’application, Brieg Clodoré recommande « de se caler dès les premier jours de traitement recommandés car le Pyrévert peut s’avérer moins efficace sur les corps adultes de la cicadelle ».

Savoir reconnaître les premiers symptômes

Un peu plus loin dans les vignes attenantes à la Grange Charton, l’atelier prospection, tenu par Barthélémy Souletie, conseiller viticole à la chambre d’agriculture du Rhône, reprend les principaux symptômes à observer. « Sur le gamay, on observe une décoloration rouge même sur les rainures, une absence ou un assèchement de la grappe, un enroulement des feuilles et un non-aoûtement des rameaux », précise le conseiller. Le chardonnay, lui, aura tendance à se décolorer en vert jaunâtre. Depuis quelques semaines, les symptômes sont visibles dans les vignes, « ils se voient très bien lorsque la grappe a besoin de mûrir ».

©CF/IAR

Les auxiliaires, ces alliés

Juste en face de cet atelier, Caroline Leroux, technicienne vignoble à la cave coopérative Vinescence retrace la liste d’auxiliaires susceptibles de maîtriser la cicadelle. D’après une étude réalisée par le CIVAM Bio depuis 1995 dans le Languedoc, « les cicadelles au stade larvaire 1 et 2 sont consommées. Les acariens anystidae en mangent 0,66 par jour, l’araignée salticidae 1 par jour, la thomisidae 2 par jour, les chrysopes une par jour et les punaises mirides et nabides 0,5 par jour ». Mais avec l’arrivée des cicadelles « en un seul bloc, leur présence ne peut pas être maitrisée uniquement par les auxiliaires ». Autre sujet abordé par la spécialiste des auxiliaires : l’impact des traitements sur les typhlodromes. Si Caroline Leroux observe depuis 2017 la présence de typhlodromes sur certaines parcelles de la cave coopérative, « il n’y a pas de disparition notoire mais plutôt des variations de populations qui peuvent être induites par des excès de températures également. Avec le traitement bio Pyrévert, les populations de typhlodromes se reconstituent plus rapidement que le traitement en conventionnel ». Les typhlodromes ont donc l’avantage de pouvoir se reproduire entre la fin des traitements et l’hivernation. Grâce à eux, la maîtrise des acariens rouges et jaunes est effective. « On observe que les typhlodromes viennent beaucoup des installations agroécologiques comme les haies ou arbres environnants. Noisetier, prunelier, cornouiller et lierre sont importants. Le nectar et le pollen attire les insectes qui attirent les prédateurs. » L’intérêt des zones de bord de champ et de haie permet une migration ambulatoire des typhlodromes.

Diffuser les bonnes pratiques

En continuant vers les parcelles, l’atelier des bonnes pratiques reprend quelques grands principes : planter des plants traités à l’eau chaude (même si cette obligation fait partie du cahier des charges des appellations), éviter d’essaimer avec les véhicules utilisés au sein des parcelles et bien nettoyer le matériel à la sortie de vigne. Concernant les mesures prophylactiques, « retirer et bruler les bois de taille entraine une baisse des populations de cicadelles l’année suivante de l’ordre de 25 %, annonce la Fredon. De plus, épamprer une parcelle entraine une baisse des populations de cicadelles de l’ordre de 30 % après les traitements. Arracher toutes les repousses de porte-greffes présentes dans et autour des parcelles de vigne, ces derniers étant porteurs sains de la maladie, aucun symptôme ne sera visible. »

Charlotte Favarel

NB : changement de dates pour le troisième traitement flavescence dorée : pour le beaujolais 69 du 22 au 30 juillet et le beaujolais 71 du 17 au 30 juillet.

Les ODG du Beaujolais, Inter Beaujolais, la Draaf, la Safer, et la FDSEA 69 ont communiqué le besoin urgent d’agir avec des cas d’écoles concernant les amendes et les arrachages. ©CF/IAR
Mobilisation

L’Etat va dans le sens de la profession, en attente d’actions

En marge de la journée flavescence, le sous-préfet de Villefranche-sur-Saône est venu acter le soutien de l’État concernant l’arrachage de friches et la lutte contre la flavescence. La profession n’a pas manqué de rappeler l’urgence d’agir sur le terrain. 

Après cette demi-journée, le sous-préfet de Villefranche-sur-Saône, Jean-Jacques Boyer, est venu marquer le soutien de l’Etat à la profession concernant deux sujets majeurs : la lutte contre la flavescence dorée et l’arrachage de friches. « Le vignoble perd de sa superficie, nous sommes passés de 22 000 ha à 14 500 ha. Le nombre de parcelles en friches présente plusieurs inconvénients comme le risque incendie, l’atteinte au paysage et la propagation de la flavescence dorée. » Plusieurs acteurs se mobilisent pour venir à bout de ce problème. Les ODG du Beaujolais, la communauté de communes Saône-Beaujolais et Beaujolais Pierres dorées, la SAFER « qui peut faire le lien entre les parcelles en friches et les possibilité d’installations de jeunes », note le sous-préfet. Mais aussi la chambre d’agriculture, la FDSEA 69 et la Draaf. Si l’arrachage de pieds infestés, la prospection et le traitement sont des obligations concernant la flavescence dorée, « les vignes en friches agissent au détriment des professionnels. Une injustice qui porte préjudice à ceux qui agissent contre ce fléau ».

« Des amendes systématiques »

Aujourd’hui, un travail est en cours pour identifier les parcelles, trouver les propriétaires et « créer des ponts entre les propriétaires et repreneurs possibles, indique Jean-Marc Lafont, président de l’ODG des crus du Beaujolais. On impose aux viticulteurs des règles et des contraintes, et de voir des parcelles non traitées ou abandonnées, c’est un problème. On a besoin du soutien de l’Etat pour faire appliquer la réglementation, c’est-à-dire imposer des arrachages et les médiatiser ». L’appel de la profession à l’Etat se veut rapide et direct, avec des actions attendues. Aussi bien pour l’arrachage que pour réprimander les absents des prospections « avec des amendes systématiques de la part de l’Etat », enchaine Jean-Pierre Rivière, président de l’ODG beaujolais – beaujolais villages. Les acteurs du Beaujolais attendent de l’Etat « de l’action car la maladie, elle, n’attend pas ».

C.F.

« Sentir une volonté collective de s’en sortir »

Ancien professionnel de la microbiologie, Alain Troesch s’est reconverti. Installé à Régnié depuis décembre, il a beaucoup entendu parler de flavescence dorée lors de ses études. « À Davayé, on a eu plusieurs travaux pratiques où on allait prospecter dans le Mâconnais. Je suis ici pour saisir l’entièreté du problème de la flavescence. J’ai eu des ceps arrachés sur l’une de mes parcelles. » Après avoir fait le tour des 6 ateliers proposés, il note l’importance « de sentir l’implication de tout le monde et surtout, une volonté collective de s’en sortir ». Avec des vignes sur 3 communes différentes, il commence déjà sa propre prospection au sein de ses rangs pour identifier les ceps contaminés.

C.F.

Rappel des 5 bons gestes

  • Arracher les ceps infestés flavescence et bois noir.
  • Planter avec des greffes traitées à l’eau chaude en sortie de pépinière.
  • Nettoyer son matériel d’une vigne à l’autre.
  • Prospecter finement les parcelles.
  • Respecter les modalités de traitement imposées par arrêté préfectoral.

Rétrospective des ateliers lors de la demi-journée technique sur la flavescence dorée.