Fabienne Buccio, préfète du Rhône et de la région Auvergne-Rhône-Alpes, avait « rendez-vous avec les agriculteurs du Rhône », le lundi 26 juin. Une rencontre qui s’est déroulée en deux étapes : à Saint-Laurent-de-Chamousset puis à Saint-Martin-en-Haut. Une prise de contact nécessaire et très attendue pour aborder les sujets préoccupant actuellement les agriculteurs.

Aller au-delà des promesses

Le Rhône est un département où l’agriculture est particulièrement variée, dans la concertation, dynamique et porteuse de projet, a constaté Fabienne Buccio. Celle qui a déjà été préfète de six autres départements et trois autres régions a découvert sur notre territoire « un travail visionnaire » permettant aujourd’hui d’avoir une base témoignant de l’implication de la profession dans son ensemble. « L’un des derniers exemples en date est le système paragrêle, cite-t-elle, qui protège tout le département, au-delà des productions agricoles ».

Ce lundi 26 juin, la préfète du Rhône et d’Auvergne-Rhône-Alpes, arrivée à Lyon en début d’année, avait donc rendez-vous avec le monde agricole. Toute une délégation l’a accompagnée, composée d’élus locaux et départementaux, de représentants des différents services de l’État, de la chambre d’agriculture, des différents syndicats.

Si la matinée a démarré dans un lieu aussi emblématique que le marché aux veaux de Saint-Laurent-de-Chamousset, c’était tout autant pour sonner la cloche de l’ouverture des ventes à 10 h que pour symboliquement ouvrir le dialogue sur tous les sujets préoccupant les agriculteurs. Ainsi, si le ton a toujours été dans l’échange et souvent agrémenté de pointes d’humour, les dossiers abordés n’en ont pas moins été sérieux et présentés dans toute leur complexité : l’eau, la drosophile, les pollutions, la souveraineté alimentaire.

Sécuriser l’eau

L’exposé des problématiques a eu lieu sur Les terres maraichères, à Saint-Martin-en-Haut, chez Vincent-Thomas Véricel. La présentation du site a permis d’illustrer les nombreuses adaptations des fermes ces dernières années : l’ancien élevage laitier est aujourd’hui entièrement consacré à la production maraichère ; toute la production est écoulée en circuit-court ; une retenue collinaire vient soutenir l’approvisionnement en eau indispensable à ces cultures. Par ailleurs, Vincent-Thomas Véricel est référent et tireur dans le dispositif Paragrêle et est partie prenante dans le projet d’irrigation collective qui concerne son secteur. « Ne nous trompons pas, a expliqué en préambule Régis Chambe, ce n’est pas parce qu’actuellement tout est vert autour de nous, qu’il n’y a pas de problème de recharge des nappes et qu’il ne faut pas agir pour sécuriser l’approvisionnement en eau des exploitations. Sans eau pas d’agriculture ». Le maire de Saint-Martin-en-Haut a poursuivi en rappelant l’implication des anciennes générations pour mettre en place dans les monts du Lyonnais des dizaines d’étangs : « c’était à l’époque une question de survie. Si cela n’avait pas été fait, nous ne serions pas là aujourd’hui pour en parler », a-t-il insisté.

Cette réunion a ainsi permis à Nicolas Kraak, le directeur du Syndicat mixte d’hydraulique agricole du Rhône (le Smhar), d’évoquer le projet en cours d’étude visant à élargir le réseau actuel à de nouvelles communes, tout en le sécurisant, « hors de question de déshabiller Pierre pour habiller Paul ». Un approvisionnement en eau compliqué pour les secteurs situés en zone rouge, comme l’a souligné Olivier Decultieux, ce classement empêchant tout financement Feader. « Les choses doivent être faites très correctement, nous sommes très regardés, surtout sur ce type de sujet », a répondu Fabienne Buccio qui a laissé la possibilité de l’étude « au cas par cas dans les zones rouges, permettant de solliciter d’autres sources de financement que le Feader ».

Cette problématique eau a permis à la préfète d’évoquer la réunion autour du plan de sobriété hydrique organisée dernièrement avec tous les acteurs du monde économique, « sauf l’agriculture, car elle ne doit pas être la seule à faire des efforts », estime-t-elle. « 600 entreprises ont déjà établi le leur,  car c’est à chacun de vérifier son process et de voir où et comment économiser de l’eau ».

Attente de solutions

Pascal Girin, le président de la chambre a bien rappelé que l’adaptation au changement climatique est le fil rouge de l’année : « nous devons changer, nous adapter, cela remet en cause beaucoup de chose et demande du temps pour changer nos cultures et nos pratiques de cultures », mais le travail et les réflexions sont engagés. Cependant, le monde agricole se retrouve parfois dans une impasse. En témoigne la problématique drosophile impactant depuis douze ans maintenant les arboriculteurs. Jérôme Rozier est d’ailleurs arrivé avec un « cadeau » : un sac poubelle rempli de cerises drosophilées et ramassées en quelques minutes seulement. « Les derniers produits en place ne sont pas efficaces, a expliqué l’arboriculteur, nous en venons à ramasser des cerises pas mûres et de ce fait pas bonnes. Le client ne va pas revenir ». Fort de ses 3000 tonnes produites, l’inquiétude est grande pour le secteur « est-ce qu’on veut encore des cerises dans le Rhône ? », a interrogé Jérôme Rozier. Et Vincent Pestre de poursuivre « ça va mal finir, on ne veut plus de promesses mais des solutions, le vivant ne fait pas de cadeau. Après dix ans de promesses où rien n’a avancé, il y a une mise en danger au-delà de la cerise, de tout un pan économique du département ».

Un cri du cœur et un ras le bol entendus par la préfète qui a reconnu « qu’il faut un changement réglementaire » et que pour cette année « le mal étant fait », elle va plaider pour « un calcul des dommages ».

Parmi les autres sujets abordés : la problématique des pollutions au PCB, aux PFAS, aux dioxines, pour lesquels la préfète a rappelé la mobilisation des services de l’État. Enfin, Mikaël Gonin a été le porte-parole de la sidération des éleveurs après les propos de Bruno Le Maire et le rapport de la Cour des comptes : « pourquoi n’évoque-t-on que des aspects négatifs, pourquoi ne parle-t-on jamais des nombreux aspects et effets positifs de l’élevage ? », a-t-il questionné. Les intéractions entre les différentes filières sont aussi sources de solutions a-t-il poursuivi, ce qu’une journée comme ce lundi a parfaitement illustré et mis en avant. Comme l’a tout à fait reconnu la nouvelle préfète.

Visite du Marché aux veaux de Saint-Laurent-de-Chamousset

Rencontre avec la profession agricole