Immersion au cœur de l’agriculture américaine
Le syndicat des éleveurs de vaches de race prim’holstein de l’Ain a organisé un voyage aux États-Unis à l’occasion de la World Dairy Expo, la plus grande exposition laitière du monde. Les quarante éleveurs en ont profité pour visiter des fermes et ainsi se rendre compte des différences entre les exploitations américaines et françaises.

« L’objectif principal du voyage, c’était la World Dairy Expo », explique Florent Chapon, président du syndicat prim’holstein de l’Ain. Ainsi, début octobre 2022, une quarantaine d’éleveurs se sont rendus à cet évènement considéré comme la plus grande exposition de vaches laitières au monde. Avec ce voyage, les éleveurs ont pu constater les différences entre l’agriculture américaine et française. La première chose qui a interpellé le groupe d’éleveurs est sans nul doute l’aspect « grandiose » du concours. Les stalles sont comparées à des vitrines. « Chaque élevage a son stand personnel », explique Florent Chapon. « C’est vraiment de la communication », renchérit sa femme Anne Chapon. Certaines vaches étaient même venues du Canada pour l’occasion. « Entre le voyage et le concours qui dure huit jours, les personnes qui participent à cette exposition sont mobilisées plus de quinze jours », précise Florent Chapon, qui estime le coût d’un tel événement à 50 000 € par éleveur.
Une confiance aveugle aux clients
Durant ce voyage, les aindinois ont également eu l’occasion de visiter cinq exploitations laitières. Et les disparités entre l’agriculture française et américaine n’ont pas tardé à se faire ressentir au fil des visites. Les éleveurs français se sont rendus sur l’exploitation Cinnamon Ridge Farm dans l’Iowa. « On a été reçus dans sa salle à manger, il y avait l’écran au-dessus de sa cheminée, le PowerPoint était prêt. Il avait l’habitude des visites », explique Anne Chapon. La première chose qui a interpellé les éleveurs est la vente directe un peu particulière de John et Joan Maxwell, les propriétaires. En effet, le magasin est situé au bord de la route, les gens peuvent donc se servir et mettre l’argent dans une boîte, le tout sans surveillance. Et si ces pratiques ne sont pas répandues en France, elles le sont aux États-Unis, si bien qu’en plusieurs années, seulement une personne n’a pas payé la somme correspondant à ses achats. « Pour l’anecdote, il a mis un dollar au lieu de 32 », raconte Anne Chapon. « C’est particulier cette manière de faire. Tu ne fais pas ça en France, tu n’oserais même pas faire un magasin comme ça », enchaîne-t-elle.
Des bandes enherbées au milieu des parcelles
Autre différence entre les pratiques agricoles françaises et américaines : les cultures. Elles sont toutes sous organismes génétiquement modifiés (OGM). D’après Florent Chapon ce sont surtout les cultures de maïs et de soja qui sont concernées. « Les maïs étaient hyper réguliers. Le premier de la parcelle était le même que celui qui était au milieu », explique le président du syndicat prim’holstein. Cette pratique est notamment due aux températures, radicalement différentes de celles constatées en France. En effet, en hiver, le mercure peut afficher jusqu’à - 30 °C. « L’OGM en maïs leur apporte [aux Américains, NDLR] entre 40 et 50 quintaux supplémentaires, estime Florent Chapon. Ils font environ 50 quintaux de soja et entre 180 et 200 quintaux de maïs. » Les réglementations liées aux bandes enherbées ne sont également pas les mêmes que de l’autre côté de l’Atlantique. Les exploitations américaines n’ont pas d’obligation face à leur implantation. Ils reçoivent des aides s’ils ont des bandes enherbées, mais n’ont pas de pénalité s’ils n’en ont pas. Contrairement aux agriculteurs français qui mettent les bandes enherbées sur les bords de champs, les agriculteurs américains préfèrent les mettre dans leurs parcelles, dans une cuvette pour couper le courant de l’eau. « Ils sont beaucoup moins soumis aux normes que chez nous, mais ils sont beaucoup plus responsables », constate Florent Chapon. Les labours sont aussi une pratique peu répandue dans le Midwest. « À l’automne, une fois qu’ils ont récolté le maïs grain ou ensilage, ils mettent du lisier et déchaument avec un cover crop. Après ils laissent faire tout l’hiver. Vu que ça gèle à - 30 °C, ça décompacte la terre à un mètre de profondeur », relate Florent Chapon. Les exploitants américains n’utilisent donc ni charrue, ni herse rotative. « Les coûts de mécanisation à l’hectare ne sont pas élevés », observe l’éleveur français.
Du sable à la place de la paille
Lors de la visite de l’exploitation Farnear Holstein à Farley (Iowa), les éleveurs ont également remarqué une différence entre les logettes françaises et américaines. En effet, en France, il est coutume de mettre de la paille. Mais de l’autre côté de l’Atlantique, c’est le sable qui est le plus utilisé. Les exploitants vont le chercher dans le Mississippi. Après utilisation, il est évacué dans les fosses et retiré une fois par an à l’aide de pelleteuses. « Chez nous, nous serions bien embêtés avec du sable dans la fosse », s’amuse Florent Chapon. Durant ce voyage, le groupe d’exploitants français a eu l’occasion de visiter de nombreuses exploitations, toutes plus différentes les unes que les autres. Il a également pu se rendre à l’Iowa 80, « le plus grand relais routier du monde », d’après Anne Chapon. Les éleveurs ont aussi visité l’usine John Deere à Davenport et son pavillon où sont entreposées toutes les machines destinées à la vente, sans oublier les visites des villes de Chicago, de Madison et de New York.
Ludivine Degenève
Zoom sur l’élevage laitier américain

Les États-Unis comptaient, lors du dernier recensement agricole en 2017, 882 692 exploitations d’élevage bovin (laitier et à viande), dont 54 599 exploitations laitières. Le nombre d’exploitations de production laitière enregistrées par l’USDA (Département de l’Agriculture des États-Unis) est en constante baisse depuis le début des années 2000, passant de 70 375 en 2003 à 34 187 en 2019. Cette baisse du nombre d’exploitations laitières ne s’accompagne pas, bien au contraire, d’une baisse de la production qui reste toujours orientée à la hausse grâce notamment à une augmentation constante de la productivité des troupeaux de vaches laitières. La collecte laitière y est en hausse linéaire depuis plusieurs années et a atteint 102,6 Mt l’année en 2021.
Farm Bill 2024-2028
Le prochain Farm Bill (2024-2028), dont les discussions ont commencé en 2022 et qui doit être voté en 2023, devrait, selon toute vraisemblance, renforcer les programmes d’aide alimentaire destinés notamment aux enfants, mettre en place des financements dédiés pour inciter les agriculteurs à s’engager dans des pratiques culturales et d’élevage qui réduisent les émissions de gaz à effet de serre et enfin prévoir des dispositifs nouveaux pour financer les pertes de revenus causées par des épisodes climatiques extrêmes non couverts aujourd’hui par les dispositifs assurantiels classiques. n
C.D. (source ministère de l’Agriculture)


